A l’occasion de son campus annuel, TF1 PUB a initié une conférence sur le thème de la créativité. La créativité est-elle toujours autant appréciée, efficace et attendue par le public ? Quelles sont les grandes tendances en la matière ? Comment intégrer la création dans sa stratégie de marque ?
Comment et pourquoi faire une collab artistique ?
La fondatrice de Collab Factory, Mathilde Mazuranic, était invitée au musée du Quai Branly pour y apporter son point de vue, parler de la nécessité de la créativité et de l’art au sein de la société.
Retour sur son échange avec Romain Hussenot, en compagnie de Mari Guyot et Charlotte Gay.
Romain Hussenot : Vous avez créé votre agence de créa il y a quatre ans, elle a une particularité, est-ce que vous pouvez nous dire laquelle ?
Mathilde Mazuranic : J’ai fait une reconversion après 12 ans chez L’Oréal : j’ai tout plaqué parce que je voulais travailler dans l’art. En particulier avec des artistes, je pense qu’ils sont essentiels. Le projet c’était d’encourager les marques à collaborer avec des artistes, et diffuser le plus largement possible leurs oeuvres d’arts. J’ai donc créé Collab Factory, une agence spécialisée dans un seul domaine : la collaboration entre marques et artistes. On travaille avec toutes sortes d’artistes visuel.le.s : street art, art contemporain, art digital.
RH : Comment cela se passe ? D’abord les artistes, ensuite les marques ? Les marques puis les artistes ? Dans quel sens cela se passe ?
MM : Tout démarre avec la marque. La marque vient avec un brief, qu’on va traduire en une histoire. Après on va déterminer ensemble le format : ça peut être une édition limitée, des contenus pour les réseaux sociaux, de l’événementiel. Une fois qu’on a cette histoire et ce format, on va trouver l’artiste le plus pertinent : celui.celle ayant le médium qui va correspondre à l’oeuvre d’art que nous voulons produire, l’artiste dont le travail va être cohérent avec l’histoire qu’on veut raconter. Ensuite, c’est l’artiste qui va la traduire visuellement.
RH : Collaborer avec un artiste pour une marque, quel intérêt finalement ? Au delà de se faire plaisir, de se dire que sa marque est associée avec un artiste ?
MM : Je voulais parler de quatre intérêts. Premièrement, bien sûr, c’est la créativité. Le fait que l’artiste va créer une oeuvre originale, inédite et singulière. Ça peut aussi être dans la mécanique.
Le deuxième point, c’est l’authenticité. On sait que les marques ont de plus en plus de mal à faire passer des messages publicitaires face à des consommateurs méfiants. Les artistes ont un discours sincère, c’est un moyen de parler de sujets importants. On le voit dans les collaborations artistiques : une grande tendance des collabs engagées avec des sujets RSE, le féminisme, l’éco-responsabilité. Pour Mastercard à l’occasion du lancement d’une carte non-genrée, nous avons travailler sur un contenu pédagogique avec l’artiste Maud Bergeron pour expliquer les transidentités. La voix de l’artiste sonne juste.
Le troisième intérêt, c’est la variété des contenus possible grâce aux artistes. On peut voir des oeuvres se créer, des interviews d’artistes, des photos : on peut tirer un fil narratif très important.
Le dernier point, c’est l’expérience. L’expérience de voir un.e artiste créer une oeuvre d’art. Par exemple, nous pouvons voir Alice Louradour pour la marque Innocent lors d’un événement. Vivre la création est primordial, on sait à quel point après ces années de covid comme l’expérience est importante.
RH : Un artiste, par définition, il créé une oeuvre unique, singulière. Il part d’un brief, mais si le résultat ne correspond pas tout à fait aux attentes de la marque, est-il possible de demander une V2 ? Une V3 ? Une V4 etc ?
MM : C’est toujours un risque pour une marque de travailler avec un.e artiste : il faut être audacieux. Il faut faire un pas de côté. L’enjeu c’est de donner cette fameuse carte blanche, c’est là que l’artiste va pouvoir déployer ses ailes de créativité car iel aura cet espace nécessaire pour créer. C’est à ce moment que la magie va intervenir : quand on a à la fois l’ADN de la marque et la sincérité, la fidélité à l’oeuvre de l’artiste.
RH : Est-ce que vous arrivez à mesurer l’impact d’une collaboration avec un artiste ?
MM : L’un des premiers signes forts c’est quand l’artiste est fier.e de son oeuvre, donc iel sera fier.e de la marque pour laquelle iel a fait l’oeuvre. C’est un signe que la relation est devenue gagnante-gagnante. Pour l’artiste aussi c’est un risque, iel va explorer un nouveau format. D’ailleurs c’est aussi un stimulus de créativité de travailler sur quelque chose dont iel n’a pas l’habitude.
Le deuxième signe fort, c’est quand les marques reviennent. Par exemple, je pense notamment à One Step, je porte d’ailleurs un des tee-shirts créé par Aurore de la Morinerie. Au départ, ils sont venus pour un tee-shirt avec trois artistes, et nous venons juste de sortir en magasin une collection complète de sept pièces avec une artiste qui s’appelle Noon. On est donc passé d’un tee-shirt à une collection. Ça me fait toujours plaisir de voir que les marques s’inscrivent dans une démarche artistique.